
Enregistrement de conversation, SMS : preuves recevables ?
La preuve est fondamentale en matière de procédure notamment devant le Conseil de Prud’hommes dans les contentieux liés aux ruptures de contrat de travail et/ou ceux en lien avec du harcèlement moral, sexuel.
Un harcèlement moral ou sexuel ne pourra avoir des chances d’être reconnu que si la victime est en mesure d’apporter des éléments de nature à faire présumer cette situation. L’article 1154-1 du Code du Travail stipule : en cas de litige relatif à un harcèlement « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement“.
En matière de licenciement, l’employeur doit rapporter la preuve des faits à l’origine de sa décision de licenciement. Le salarié s’il n’est pas d’accord doit de son côté rapporter les preuves de nature à contredire la version de l’employeur.
Il faut donc à tout moment se préserver les preuves de ce que l’on est amené à faire valoir devant un Tribunal. Toutes les preuves n’étant pas recevables, il est important de savoir ce qui pourrait être produit ou non devant le Conseil de Prud’hommes.
Peut-on produire l’enregistrement d’une conversation ?
Peut-on par exemple produire en justice l’enregistrement fait avec son téléphone portable d’un entretien préalable de licenciement ou d’un autre entretien avec un responsable hiérarchique ou un collègue de travail ? La réponse est clairement non si cet enregistrement est fait à l’insu des personnes en présence. La solution est ancienne, la Cour de Cassation (Cass. civ. 7 octobre 2004, BC II, n° 447) rejette ces enregistrements comme découlant d’un procédé déloyal. Il n’est pas loyal d’enregistrer quelqu’un à son insu et il n’est donc pas possible d’utiliser et de produire ces enregistrements devant le Conseil de Prud’hommes. Il est donc conseillé, en l’absence d’accord express pour l’enregistrement de l’entretien, de se faire assister lors de l’entretien. La personne présente pourra alors établir une attestation sur le contenu des échanges.
Qu’en est-il d’un message vocal enregistré sur un téléphone portable ?
Ici, la Cour de Cassation considère que ces messages sont des preuves recevables. Le procédé n’est pas déloyal car l’auteur du message ne peut pas ignorer que son message est enregistré sur l’appareil récepteur (Cass. soc. 6 février 2013, n° 11-23738, BC V n° 31). Cela peut s’avérer très utile dans de nombreuses circonstances : pour apporter la preuve d’un licenciement verbal (et donc nécessairement sans cause réelle et sérieuse) et pour participer à établir l’existence d’un harcèlement moral ou sexuel. Il faut donc absolument conserver ces messages quand leur contenu est intéressant et faire appel si nécessaire à un huissier pour les retranscrire de façon définitive et incontestable.
Qu’en est-il des SMS ?
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2007 (Cass. soc. 23 mai 2007, n° 06-43209), le SMS est considéré comme une preuve recevable, au même titre que n’importe quel écrit. Il peut donc être utilisé par son destinataire comme moyen de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Dans l’arrêt rendu le 23 mai 2007, cela a permis à une salariée de faire établir la réalité d’un harcèlement sexuel.
Pour la Cour de Cassation, il ne s’agit pas d’un procédé déloyal car le destinataire sait parfaitement que son message peut être conservé par le destinataire. La Cour de Cassation a motivé son arrêt de la manière suivante : “Si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur”.
En matière de preuve, la distinction est donc bien dans la connaissance que l’auteur du message avait ou non de la possibilité que ses propos soient conservés.
La retranscription par huissier pourra s’avérer utile là aussi pour établir de façon incontestable la personne dont il émane et pour en assurer la conservation dans son intégrité.
Précision : les messages écrits (SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel. L’employeur est donc en droit de les consulter en dehors de la présence du salarié, sauf s’ils sont identifiés comme étant de personnels. Ces SMS peuvent donc être produits à titre de preuve devant un juge sans qu’on puisse invoquer une atteinte à la vie privée (Cass. com. 10 février 2015, n° 13-14779, BC IV n° 20).
Par ailleurs, le SMS laissé par un salarié sur le téléphone portable professionnel d’un collègue, envoyé aux temps et lieu du travail et qui est en rapport avec son activité professionnelle, n’est pas privé. N’étant pas couvert par le secret des correspondances, l’employeur peut s’en servir pour prouver une faute du salarié (Cass. soc. 28 septembre 2011, n° 10-16995 D).
Il ne faut donc pas perdre de vue que le SMS est un écrit … attention à la tournure des propos y compris dans ce type d’échanges par nature rapide !
L’attestation de témoin
En cas d’impossibilité de rapporter la preuve des faits par des SMS, des messages vocaux ou d’autres écrits, il reste toujours la possibilité de produire en justice des attestations de témoins. Ces attestations doivent répondre aux conditions de l’articles 202 du Code du Procédure Civile reproduit ci-dessous :
« L’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés.
Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles.
Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales.
L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature ».
Cette attestation peut être permettre de rapporter des faits qui se seraient déroulés en présence d’un témoin, en dehors de tout enregistrement ou en cas d’enregistrement ne pouvant pas être produit en justice car fait à l’insu de la personne.
En voici, un modèle de trame :
ATTESTATION
(Articles 200 à 203 du Code de Procédure Civile)
TRES IMPORTANT
L’attestation doit être écrite, datée et signée de la main de son auteur.
L’attestation doit nécessairement comporter, en annexe, la photocopie de tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.
L’attestation doit contenir la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés.
L’attestation est établie en vue de la sa production en justice. Toute déposition inexacte ou mensongère est susceptible d’entraîner, à l’encontre de son auteur, des condamnations civiles (dommages-intérêts) ou pénales (amendes, emprisonnement).
Etablie par :
Nom
Prénom
Date et lieu de naissance
Adresse
Profession
Atteste être (ou) ne pas être * parent, allié, subordonné, collaborateur, et avoir (ou) ne pas avoir * une communauté d’intérêt avec M ……
J’atteste sur l’honneur les faits suivants :
Fait à ……………… , le …….
Signature :